« C’est la confiance, rien que la confiance »
Assemblée de prière Betzatha Pétales de Rose 2023
Un beau jour d’Août, sur une petite route du sud de la France, me voilà bloqué derrière une énorme bétaillère qui roulait très lentement. Je cherche à la doubler, mais je n’ai aucune visibilité du fait des virages et de la taille de l’engin. Soudain, dans une courte ligne droite, je vois surgir du côté gauche du véhicule, un gros bras velu qui me fait signe que je peux me lancer. Que faire ?...Confiance ! Confiance dans cet inconnu dont je ne vois qu’un bras et une plaquette d’immatriculation et quelques morceaux de bétails ? Un peu léger pour risquer sa vie…Et pourtant, je rétrograde et lance ma voiture pour doubler la bétaillère.
Cette petite expérience anodine, et qui n’a duré quelques instants est une image de ce que c’est que la confiance, c’est accepter de remettre sa vie, ou une partie, entre les mains d’un autre. C’est à la fois un acte pas du tout naturel (on a plutôt tendance à prendre soi soit même de sa vie) et en même temps complétement nécessaire (nous avons radicalement besoin les uns des autres).
La Sainte à qui nous venons demander toutes sortes de grâce ce soir à particulièrement saisi le lien intrinsèque entre l’amour et la confiance. Les deux ne peuvent être dissocier, et « c’est la confiance, rien que la confiance, qui nous conduit à l’amour ».
Essayons ensemble ce soir de méditer sur ce que signifie cette confiance, et comment la vivre dans sa propre vie. Et ça tombe bien, le saint Père vient de nous envoyer une nouvelle exhortation apostolique, qui traite précisément de ce thème chez Saint Thérèse de Lisieux et de la Sainte Face, et ce document se nomme : « c’est la confiance ».
La confiance dans celui qui m’attire
Pour avoir confiance dans quelqu’un ou quelque chose, il faut que je sois attiré, d’une manière ou d’une autre par cette personne ou cette chose. Il faut que j’en éprouve une certaine joie.
L’Evangile m’attire-t-il ? Et mieux encore, celui qui en est la source exerce-t-il sur moi une attraction ? Est-ce que je prends plaisir à écouter sa Parole et faire ce qu’il me demande ? Est-ce que j’y vois un bien pour moi, et plus cela, est-ce que j’y vois le plus grand des Biens ?
Dans son exhortation apostolique, le Pape rappelle qu’il y a bien chez Ste. Thérèse une présentation de la « mission par attraction ». Je suis attiré par Dieu, et plus je réponds à cette attirance, plus j’en attire avec moi. Voici ce que dit notre petite sainte dans sa prière : « En m’attirant, attirez les âmes que j’aime. Cette simple parole : “Attirez-moi” suffit. Seigneur, je le comprends, lorsqu’une âme s’est laissée captiver par l’odeur enivrante de vos parfums, elle ne saurait courir seule, toutes les âmes qu’elle aime sont entraînées à sa suite ; cela se fait sans contrainte, sans effort, c’est une conséquence naturelle de son attraction vers vous. De même qu’un torrent, se jetant avec impétuosité dans l’océan, entraîne après lui tout ce qu’il a rencontré sur son passage, de même, ô mon Jésus, l’âme qui se plonge dans l’océan sans rivages de votre amour, attire avec elle tous les trésors qu’elle possède... Seigneur, vous le savez, je n’ai point d’autres trésors que les âmes qu’il vous a plu d’unir à la mienne »
Voilà une mission pour nous : donner du goût à la foi, pas par nous-même, mais en la vivant pleinement. Pas donner des leçons, mais du goût ! L’Evangile c’est bon. Pourquoi il y a-t-il si peu de jeunes ? Parce qu’ils ne voient plus la saveur de l’évangile, d’une vie sainte. Ils ne voient pas parce que nous n’en donnons peut-être pas toute la saveur ! Quand une chose est bonne, elle attire ! Nous sommes tout à fait capables de donner envie à des amis d’aller dans un bon restaurant que nous avons découvert, et nos amis nous font confiance ! Et pour l’église ?
Cette intuition de la Petite Thérèse, consonne avec le grand Saint Augustin. Voici ce qu’il dit dans son commentaire de l’évangile selon Saint Jean : « Personne ne vient à moi, si mon Père ne l'attire. » Ne t'imagine pas que tu es attiré malgré toi : c'est par l'amour que l'âme est attirée. Être attiré par le plaisir, qu'est-ce que c'est ? Mets ta joie dans le Seigneur, il comblera les désirs de ton cœur. Il y a un certain plaisir du cœur, lorsqu'il trouve délicieux le pain céleste. Si les sens du corps ont leurs plaisirs, est-ce que l'âme ignore les plaisirs ? Donne-moi quelqu'un qui aime, et il comprend ce que je dis. Donne-moi quelqu'un qui désire, qui a faim, donne-moi un homme qui voyage dans ce désert, qui a soif, qui soupire après la source de l'éternelle patrie, donne-moi un tel homme, et il comprend ce que je dis. Si je parle à un homme insensible, il ne sait pas de quoi je parle. « Chacun est attiré par son plaisir. » Et le Christ, révélé par le Père, n'attire pas ? Qu'est-ce que l'âme désire plus fortement que la vérité ? C'est pourquoi elle doit avoir une bouche avide et désirer que son palais intérieur soit parfaitement sain, uniquement pour discerner ce qui est vrai, parce qu'elle veut manger et boire la sagesse, la justice, la vérité, l'éternité. »
Rendons nous l’Evangile attirant, qu’il devienne un plaisir pour l’âme ? Sans le dénaturer bien sur. Il ne s’agit pas de la changer, de rajouter du sucre pour qu’il est un gout plus facile, sa ce serait ne parler ue de miséricorde sans justice par exemple. Mais de montrer toutes les nuances de saveurs et l’accord de gout qu’il forme ! Comme un bon carry.
Pas mal de jeune me font cette réflexion, qui n’est pas dénué de bon sens. « Je connais beaucoup de personne qui n’ont pas la foi et qui sont pourtant bien meilleur que celle qui l’ont ». Qu’est ce que c’est qu’être meilleur ? C’est toute la question. Toujours est-il, quand on croise un saint, il vous marque et il vous donne envie de suivre Jésus. Et c’est surtout cela dont il est question dans les réflexions de Sainte Thérèse et Saint Augustin. Plus nous serons saints, plus nous serons missionnaires. Et la réciproque est tout aussi vraie : plus nous seront missionnaire, plus nous seront saint !
Et ce qui est rassurant c’est que ce n’est pas une question de performance, ni de technique, ni de choses à véritablement acquérir. Ecoutez ce que dit notre jeune carmélite : « Je puis donc, malgré ma petitesse, aspirer à la sainteté ; me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections ; mais je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle ». Et peu de temps avant sa mort (à 24 ans, faut-il le rappeler, une telle œuvre, pour une si petite personne, en si peu de temps…) elle dira : « Je paraîtrai devant vous les mains vides ».
Vide…
Confiance et abandon
Ces mains vides sont le reflet de cette prise de conscience que nous ne sommes pas grand-chose. Que malgré tous nos efforts et nos idées de génie nous ne nous élevons que peu au-dessus du niveau du sol.
La confiance nous permet d’aller beaucoup plus loin que cela. Quand je donne ma confiance à quelqu’un, une partie de moi se retrouve dans un autre. Par la confiance, je peux remettre ma vie entre les mains d’un autre. Et cet, surtout si c’est Dieu, peut me permettre de développer en moi-même des aspects que je n’aurais pu faire par mes seules forces.
C’est un des grands paradoxes de la vie humaine, notre plein accomplissement de nous même ne peut pas se faire sans nous et en même temps il ne se trouve pas en nous. Nous sommes fait pour nous donner. Et se donner cela passe d’abord par poser un acte de confiance.
Ste. Thérèse la expérimentée jusque dans sa chair. Toutes les maladies qu’elles a éprouvées, jusqu’à la dernière qui l’a emportée, a été pour elle une source de don de sa personne. Un don ? On pourrait même plutôt dire, un abandon ! L’abandon n’est pas une résignation. Il ne s’agit pas de se dire « bof, c’est comme ça, il faut accepter », cela c’est plutôt de la mollesse. L’abandon est une attitude active qui scrute dans les événements la volonté divine et y adhère avec amour. J’ai tellement confiance dans le Dieu trois fois saint, que tout se qui m’arrive dans ma vie peut devenir source de grâce. « Tout est grâce » enseigne notre petite sainte de Lisieux. Et la manière avec laquelle j’accueille cela, ce sera la manière avec laquelle cette grâce pourra prendre forme dans ma propre vie.
La confiance de la jeune carmélite est sans borne. Elle pris et offre sa vie même pour ceux qui à nos yeux sont irrécupérables, pour qui la partie est perdue d’avance. Le Pape François commente dans son exhortation apostolique : « Elle se sent la sœur des athées et se met à table, comme Jésus, avec les pécheurs (cf. Mt 9, 10-13). Elle intercède pour eux, tout en renouvelant continuellement son acte de foi, toujours en communion amoureuse avec le Seigneur : « Je cours vers mon Jésus, je lui dis être prête à verser jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour confesser qu’il y a un Ciel. Je Lui dis que je suis heureuse de ne pas jouir de ce beau Ciel sur la terre afin qu’Il l’ouvre pour l’éternité aux pauvres incrédules ».
Même les pécheurs les plus endurcis ne sont pas hors de porté de la miséricorde divine.
Mais personne d’entre nous n’est dupes, à commencé par la petite Thérèse. La confiance peut être trahis…sans pour autant perdre confiance dans la confiance elle -même. Nous avons tous vécus des trahisons, plus ou moins douloureuses. Et même, je pense pouvoir parler à sa place ce soir, qu’il me pardonne si je dis faux, Dieu lui-même vit des trahisons perpétuellement. A chaque fois que nous nous tournons vers des réalités qui ne sont pas de lui, nous la trahison. Notre péché personnel est responsable de la mise à mort et de la torture de Jésus. Et pourtant, le Dieu très bon ne perd pas confiance en l’humanité. Alors que nous baissons les bras si vite, Dieu ne rompt pas son alliance avec nous. Il renouvelle ses bienfaits, maintenant et pour toujours. Justement, parce qu’il est Dieu, et qu’il est tout puissant ! Nous n’avons qu’une vision partielle des évènements et des personnes, et nous reprenons vite la confiance que nous avons donné. Alors que la confiance porte du fruit que lorsqu’elle a été éprouvée ! Le Seigneur reconstruit sans cesse ce que nous brisons, depuis le premier péché, jusqu’à la fin des temps. Le Seigneur a plus confiance en nous, que nous en lui, il nous aime plus que nous l’aimons.
Est-ce que ce soir, devant Jésus Hostie, nous pourrions peut-être renouveler notre confiance. Dire au créateur et rédempteur de tout que nous lui faisons confiance en tout. « Jésus, j’ai confiance ne toi », cette belle prière faite au Cœur Sacré de Jésus peut venir sur nos lèvres en cette soirée pétales de roses : « Cœur sacré de Jésus, j’ai confiance en toi ».
C’est la confiance qui nous conduit à l’amour, parce que nous sommes attirés par cet amour qui ne cesse de nous montrer ses bontés. Et aussi parce que ce don en retour que nous faisons et le plein accomplissement de ce que nous sommes. Faire confiance est aussi nécessaire à l’amour que l’air pour respirer.
Faire confiance, c’est donc faire cette expérience radicale que notre vie ne dépend pas que de nous-même. Comme un enfant remis dans les bras de sa mère, il n’a pas d’autre choix que de lui faire confiance pour vivre. De même en va-t-il pour toute notre vie. Cet acte de confiance en la bonté divine me fait voir de manière renouvelle toute mon existe. Je ne subis plus ma vie, je l’accueille je ne traine plus un boulet, je porte le fardeau léger du Christ. Et en définitive, c’est la seule chose que nous demande Jésus, et peut être la plus difficile à faire : que nous lui fassions confiance. C’est tellement facile de n’en faire qu’à sa tête, surtout dans ses dévotions, et de ne pas faire ce que Jésus attend de nous. Un peu comme quelqu’un qui veut vous montrer son amour en faisons des choses, mais que vous n’attendez pas du tout de lui. Du genre, un époux qui a préparé un magnifique dîné, mais qui ne range jamais ses affaires en rentrant du boulot. Nous sommes très souvent ce genre de personne avec Jésus.
Alors ce soir renouvelons notre confiance dans le seul qui peut nous sauver. Et avec le pape François, demandons l’aide de Ste Thérèse :
« Chère sainte Thérèse, l’Église a besoin de faire resplendir la couleur, le parfum, la joie de l’Évangile. Envoie-nous tes roses. Aide-nous à avoir toujours confiance, comme tu l’as fait, dans le grand amour que Dieu a pour nous, afin que nous puissions imiter chaque jour ta petite voie de sainteté. Amen »
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