Disciples choisis
Ils menaient, somme toute, des vies simples et bien ordonnées : l’un était un pêcheur honnête sur les rives du lac de Galilée, l’autre, un érudit de la Torah, dévoué à l’étude toute sa vie. Ni l’un ni l’autre n’étaient issus de familles illustres : pas de lignées royales, rien de prestigieux ou de remarquable aux yeux du monde. Alors, comment expliquer une telle destinée ? Comment ces hommes, sans rang ni renom, sont-ils devenus des piliers de l’Église naissante ?
Frères et sœurs, vous le savez : parce qu’ils ont été choisis. Choisis par le Christ lui-même pour accomplir une mission. Le Seigneur a confié à Pierre et à Paul la lourde responsabilité d’annoncer sa Bonne Nouvelle au monde. Et pour cela, il a fait passer à travers eux toute la force de sa puissance.
La liturgie de la Parole aujourd’hui nous le rappelle avec insistance : jamais Jésus n’abandonne ceux qu’il envoie. Il les soutient, il les délivre du danger. Nous l’avons entendu : Pierre est miraculeusement libéré de sa prison. Paul témoigne qu’au moment où tous l’ont laissé seul, le Seigneur, lui, ne l’a pas abandonné. Il l’a soutenu, il l’a même « arraché à la gueule du lion ». Et Jésus promet à Pierre, ce roc sur lequel il bâtit son Église, que « la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle ».
Oui, le Seigneur accomplit ce qu’il a promis avant de nous quitter :
« Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde ».
En plus de ne pas être des personnages illustres de leur temps, Pierre et Paul ne sont pas non plus des modèles de vertu parfaite ou des héros sans tache. Leur vie n’a rien d’un parcours lisse et irréprochable. Bien au contraire, l’Écriture nous les montre tels qu’ils sont : des hommes marqués par la faiblesse, avec des blessures, des fautes, des chutes.
Et cela, loin d’être un défaut du récit, est un gage de sa vérité. Nous ne lisons pas une légende embellie, rédigée par des disciples illuminés et aveuglés d’enthousiasme. Non : ces textes ont la sobriété du réel. Ils n’idéalisent pas leurs figures fondatrices. Au contraire, ils mettent en lumière leurs limites, leurs erreurs — parfois même avouées de leur propre bouche.
Pierre a renié son Seigneur. Paul a persécuté son Église. Ce sont là des faits publics, reconnus, assumés. Et pourtant, ce sont eux que Dieu a choisis. C’est à eux qu’il a confié la mission d’annoncer son salut au monde.
Finalement, à bien y réfléchir, nous avons bien plus en commun avec ces deux grandes figures que l’on pourrait croire. Pierre et Paul ne sont pas si éloignés de nous. Comme eux, nous sommes des gens « ordinaires ». Il n’y a pas de têtes couronnées parmi nous aujourd’hui, pas de grands de ce monde, pas de noms inscrit dans les livres d’histoire. Et comme eux, nous avançons avec nos failles, nos blessures, nos erreurs, que nous apprenons peu à peu à assumer et à offrir.
Alors, cela signifie-t-il que nous partageons la même mission que le chef de l’Église et que l’apôtre des nations ?
Pas exactement la même, mais une mission similaire. Une mission du même souffle, donné par le même Seigneur, et soutenu par le même Esprit. Frères et sœurs, nous aussi, nous avons été choisis. Choisis et établis comme disciple de Jésus. Ecoutez ce que nous rappel un de ceux que nous fêtons en ce jour :
« Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu'ils sont appelés selon le dessein de son amour. […] Ceux qu’il avait destinés d’avance, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il en a fait des justes ; et ceux qu’il a rendus justes, il leur a donné sa gloire. Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? »
Il n’y a là aucun motif d’orgueil, aucun titre de gloire personnelle. Ce n’est pas une récompense pour nos mérites. Bien au contraire, cette élection doit susciter en nous une profonde action de grâce, et en même temps une prise de conscience : celle de la responsabilité qui nous incombe dans ce monde.
Oui, nous avons été choisis. Mais choisis en vue de quoi ?
Comme Pierre, comme Paul, nous sommes appelés à travailler pour le Royaume des cieux. Pas à notre manière, selon nos idées, mais à la manière du Christ : en servant, en annonçant, en aimant, en nous donnant. Qui sait où cela nous mènera ?