Dieu se penche sur un rien
Solennité de l’Assomption (engagement perpétuelle de Pascal Rippoll dans le groupe fraternel JJ Lataste)
Dieu se penche sur un rien, Dieu s’épanche parmi les siens. Dieu ne désire pas quelque chose parce qu’elle lui apparaît belle, mais parce qu’il désire cette réalité, elle est belle ! La volonté de Dieu, c’est le réel, ce que Dieu veut, cela est. Et c’est très mystérieux à saisir pour nous, qui sommes attirés par tous ce qui brille (et je ne parle pas que de diamants), mais Dieu veut que le petit, le rien, soit exalté. Et ce depuis les origines : du rien, Dieu fit du plein, du néant, il fit du vivant, du chaos, du très beau, et de l’abîme, du sublime !
Dieu a choisi le plus petit des peuples pour qu’il devienne le sien : « Si le Seigneur s’est attaché à vous, s’il vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples, car vous êtes le plus petit de tous. C’est par amour pour vous, et pour tenir le serment fait à vos pères, que le Seigneur vous a fait sortir par la force de sa main, et vous a rachetés de la maison d’esclavage et de la main de Pharaon, roi d’Égypte » dit Moïse dans le Deutéronome (7.7).
Le Tout-Puissant s’est épris de la Toute-Impuissance. Non par condescendance, mais bien par miséricorde. Le Sauveur d’Israël, n’abandonne pas ceux qui sont opprimés par l’ennemi.
Adonaï agit de la même manière lorsqu’il s’incarne. Il choisit la jeune fille la plus anodine qui soit. Déjà préparée, certes (n’est pas l’Immaculée Conception qui veut), mais sans aucune distinction selon le monde. Une jeune fille de Nazareth, une parmi des centaines. Marie chante même sa petitesse : « il s’est penché sur son humble servante ». On ne le répètera jamais assez, mais le mot mit dans la bouche de la Vierge est plus fort que seulement « humble servante », ça c’est la version soft pour oreilles-occidentales-aseptisées. Le mot signifie bien « esclave ». Cette jeune fille se présente face à son Seigneur comme la plus vile des créatures, qui n’a pas même de droit sur elle-même, entièrement livrée à la volonté de son maître. Cela fait frémir nos mentalités de post-modernes biberonnés au « libre-arbitre » et autre « auto-détermination-de-soi ». Sauf que pour que la volonté de Dieu se fasse, il faut bien que je le laisse faire, il me faut donc y collaborer, voire même m’y abandonner. Et agir avec Dieu, c’est aussi reconnaître à un moment (asses rapidement d’ailleurs) que je suis dépassé par ce qui se passe. C’est bien la réaction de la Vierge face à l’Annonciation, qui trouve son écho dans les paroles d’Elisabeth. Les « merveilles » que Dieu fit pour Marie, sont largement au-delà de ce que Marie, petit rien, pouvait faire. Du néant, Dieu fait du vivant.
Les desseins de Dieu de sauver les pauvres et les petits, ne sont possibles et ne se réalisent que parce que les petits sont des petits. Parce que les humbles savent qu’ils ne peuvent pas agir, ils n’ont aucuns moyens en tête, et la situation semble très vite sans solution. Quand vous avez de l’argent et des contacts, et que votre voisin empiète sur votre terrain, vous passez un coup de téléphone à un « ami » qui travaille à la mairie, et hop ! Le voisin remballe sa clôture ou son barbecue dans l’après-midi. Mais quand on ne connait personne et que quelqu’un nous vole…c’est plus long ! Et le Dieu d’Israël s’est fait chair en son humble esclave pour nous libérer de bien plus qu’un voisin trop expansif !
Alors n’ayons pas peur de n’être rien, c’est un excellent début pour l’action de la grâce. L’inquiétant ce n’est pas de n’être rien, c’est de croire que l’on est quelqu’un, quand justement on n’est rien ! Molière disait qu’ « il n’y a rien de plus sot qu’un sot qui ignore qu’il est sot ». La seule entrave à l’action de Dieu, c’est la folie de penser que nous y arriverons sans lui. Qui s’est déjà ressuscité des morts ? Qui est entré dans la gloire en son âme et en son corps par ses propres moyens ? « Dieu résiste aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles » (Jc 4.6), ou dans la version des Proverbes « Il se moque des moqueurs, aux humbles il accorde sa grâce. » (Pr 3.34).
En ce jour de solennité nous avons sous les yeux un exemple parfait que nous donne notre Père des Cieux : la fille de Sion, la Vierge Reine des Anges, prototype de l’humanité à venir. Demandons que par son intercession nous sachions toujours reconnaître et accepter la place qui est la nôtre, afin que le Seigneur puisse lui-même nous exalter : « exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ».
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