« La nourriture de l’âme, [dit le Curé d’Ars] c’est le corps et le sang d’un Dieu. Il y a de quoi, si l’on y pensait, se perdre pour l’éternité dans cet abîme d’amour ! » Saint Jean Marie Vianney avait vu ce qui est invisible aux yeux et qui pourtant nous est donné chaque fois que nous nous approchons de l’Eucharistie. Il l’a vu avec la foi comme il l’explique lui-même : « Si nous avions la foi, nous verrions Jésus Christ dans le Saint-Sacrement comme les anges le voient au ciel. Il est là, il nous attend. »
L’Eucharistie est vraiment un trésor à côté duquel on peut passer sans y prêter attention. Ce trésor est discret et pourtant il n’est pas totalement invisible pour ceux qui veulent voir. Et pour le voir il nous faut deux choses.
La première chose qu’il faut c’est la foi qui nous fait reconnaître dans le pain et le vin consacré, la présence de Dieu notre maître. Sans la foi on ne voit que l’extérieur, on ne voit qu’un morceau de pain. Avec la foi, on découvre la réalité cachée : c’est le Corps du Christ qui m’est donné pour que j’entre en relation avec Dieu lui-même.
La foi ne suffit cependant pas à accéder au trésor de grâce qui se trouve sur l’autel. Il faut encore la charité, l’amour. Il faut accepter d’entrer dans une relation d’amour avec celui qui se donne à nous.
L’Eucharistie est faite pour être regardée avec foi comme nous le faisons dans l’adoration, mais elle est aussi faite pour être mangée. « Prenez et mangez » dit Jésus à ses disciples. L’Eucharistie est faite pour la communion.
Sainte Catherine de Sienne disait que « Ce n’est pas seulement avec le sens du corps que vous devez recevoir et voir ce Sacrement, mais avec le sens spirituel ; vous devez disposer ce sens de l’âme avec amour pour voir, recevoir et goûter ce Sacrement. »
Le sens spirituel, c’est la foi et l’amour. Sans la foi nous ne voyons pas le Corps du Christ qui est là devant nous. Sans l’amour nous ne communions pas.
Pour manger l’Eucharistie, il ne suffit pas de porter le pain à notre bouche. Il faut croire que c’est le Corps du Christ et il faut accepter le mystère de la croix, c’est-à-dire la réalité d’un Dieu qui se donne tout entier par amour pour nous.
Jésus a institué le sacrement de l’Eucharistie la veille de sa Passion. Il l’a fait afin que le mystère de la croix dure toujours, afin qu’il puisse toujours se livrer pour notre salut. L’Eucharistie, c’est la croix de Jésus qui entre dans notre vie.
Ainsi, on ne peut pas communier sans communier aux souffrances du Christ sur la Croix.
C’est-à-dire d’abord et en tout premier lieu d’accepter que Dieu me sauve en se donnant sa vie par amour pour moi. Ce n’est pas toujours si facile d’accepter que Dieu m’aime et que c’est lui qui me sauve. Le péché nous fait penser qu’on peut se sauver tout seul, par nos propres forces et qu’on n’a pas besoin de l’amour de Dieu. Recevoir la communion avec le sens spirituel, avec la foi, c’est accepter que Dieu m’aime et qu’il me sauve. C’est accepter de trouver ma force non pas dans ce que le monde me donne, ni dans mes propres forces, dans le pain normal, mais dans la miséricorde de Dieu qui m’est donnée dans le Christ Jésus.
Communier aux souffrances du Christ, c’est aussi entrer dans une relation de don. Si j’accepte que Jésus donne sa vie pour moi j’accepte également de donner ma vie pour lui et pour mes frères.
Dans le récit d’Emmaüs, les disciples reconnaissent Jésus dans l’Eucharistie, reçoivent le pain partagé avec lui et repartent vers Jérusalem, le lieu de la Passion pour y retrouver leurs frères qu’ils avaient quittés tout triste. L’Eucharistie nous pousse au don de nous-même pour nos frères à l’image du Christ sur la Croix ; elle nous pousse à la communion avec nos frères pour leur annoncer la bonne nouvelle du salut, pour les soutenir et leur venir en aide ; en un mot pour les aimer comme Dieu nous aime. L’Eucharistie est toujours une communion avec l’Église si elle est reçue avec le « sens spirituel », c’est-à-dire avec la foi et la charité.
Saint Paul a vécu cette réalité eucharistique et il l’explique ainsi aux chrétiens de Colosse : « Je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église. (Col 1, 24)
Manger le Corps du Christ, c’est nous offrir unis au Christ sur la Croix pour le salut du monde, c’est être plongé dans le mystère d’un Dieu qui donne sa vie pour les pécheurs que nous sommes.