Je crois que tous nous aimerions avoir ce super garde-manger que le prophète Elie procure à la veuve de Sarepta. Des jarres qui contiennent de la farine et de l’huile et qui jamais ne s’épuisent. Plus besoin de faire des courses et surtout, plus besoin de se préoccuper de savoir comment subsister. Imaginez vous la tranquillité d’esprit que nous pourrions avoir.

Mais que ferions nous du temps et de l’énergie ainsi récupérés ? A quoi ressembleraient nos journées si nous avions, sans fournir aucun effort, accès à tout ce dont nous avions besoin ? Pas certain que nous aurions résolu tous nos problèmes ! Il parait que très souvent, ceux qui gagnent au loto finissent par tout perdre parce qu’ils n’arrivent pas à gérer cette abondance soudaine. Au fond, ce n'est peut-être pas une bonne idée d’avoir tout ce qu’il nous faut en abondance.

Alors, on pourrait demander de n’avoir que chaque jour ce dont nous avons besoin et pas plus. C’est ce que Dieu a fait avec les hébreux dans le désert, lorsqu’ils ont quitté l’Égypte vers la Terre Promise. Tous les matins, ils récoltaient la manne. C’était une espèce de pain qui se déposait par terre pendant la nuit, un peu comme la rosée qui apparaît sans qu’on sache pourquoi ni comment. Les hébreux ont d’abord apprécié cette nourriture tombée du ciel. Puis, ils se sont lassés de n’avoir pas besoin de chercher et d’avoir tout sous la main. Ils ont commencé à récriminer contre Dieu et à regretter les concombres qu’ils avaient dans le pays de l’esclavage.

Il semble que l’homme ne sait pas trop ce qu’il veut et qu’il n’est jamais content. Quand il n’a pas il se plaint et quand on lui donne tout ce dont il a besoin, il n’est pas content non plus. Alors, que faire ?

C’est une autre veuve qui nous montre le chemin à prendre pour résoudre le problème. Non plus la veuve de Sarepta mais celle que rencontre Jésus dans le Temple. Cette veuve est seule et sans protection puisqu’elle a perdu son mari. A l’époque cela veut dire aussi sans aucune place dans la société. Elle est donc aussi un peu exclue. Elle n’a plus beaucoup de ressources.

Et pourtant, cette veuve dépose dans le trésor du Temple deux piécettes de monnaie. Jésus remarque qu’« elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. » Elle n’a rien et elle donne. Elle ne se préoccupe pas d’elle-même, de comment elle va vivre, mais elle se préoccupe d’aimer Dieu et de lui offrir sa vie.

Et voilà peut-être le secret de cette femme. Elle a une confiance infinie que Dieu veille sur elle et qu’il lui fournira ce dont elle a besoin. Mais surtout que ce besoin n’est pas tant un besoin de se nourrir ou de se vêtir mais bien plutôt d’entrer dans cette relation d’amour avec son Dieu.


Elle a donné plus que les riches pharisiens, non pas en argent, mais en poids d’amour. C’est elle qui a compris ce qu’est vraiment la vie et qu’elle est la nourriture dont nous avons vraiment besoin : d’aimer Dieu et d’aimer notre prochain.

Les hébreux ont tourné 40 ans dans le désert parce qu’ils ne trouvaient pas la solution à cette énigme. Ils avaient tout mais ne regardaient pas vers le ciel pour aimer Dieu et vivre dans la confiance.

Le Royaume de Dieu n’est pas une question de nourriture ou de boisson nous dit saint Paul « il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint. » (Rm 14, 17) Ce que Dieu nous donne n’est pas une jarre de farine qui ne s’épuise pas, ni la manne qui descend du ciel chaque jour. Ce que Dieu nous donne, c’est lui-même. Il nous donne tout son amour et nous permet de l’aimer en retour. Il donne tout et nous invite à tout donner à notre tour comme la veuve de l’Évangile. Il nous aime infiniment et nous invite à l’aimer infiniment en retour.

C’est ce que nous dit la Lettre aux Hébreux que nous avons entendu à l’instant : « Ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent. » (He) Le Christ nous a aimé une bonne fois pour toutes et nous n’avons pas besoin de renouveler le stock d’amour. Il nous aime infiniment et à donné sa vie pour nous, enlevant ainsi nos péchés. Ce qui nous reste à faire, c’est d’accepter cet amour dans une confiance aveugle en cet amour. Ce qui nous reste à faire, c’est de répondre à cet amour en aimant à notre tour. Ce sont les deux piécettes de la veuve qui doivent être notre trésor : la piécette de l’amour de Dieu et la piécette de l’amour du prochain.