Croire sans barguigner
« Il vit et il crut. » Point.
Mais qu’a donc vu Jean pour en arriver à croire ? Et qu’a-t-il cru pour en dire si peu, lui qui est si précis ?
Suivons la course de l’Apôtre. Nous contemplerons sa foi, et la nôtre.
Jean a vu le tombeau vide, les linges à leur place et le suaire à part. Il a compris qu’aucune main humaine n’était intervenue dans cette affaire, que le corps du Christ n’avait pas été volé.
Alors, il a cru le Christ ressuscité par la puissance de Dieu. Il a compris l’Ecriture selon laquelle « il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ».
Ne nous y trompons pas : Jean ne comprend l’Ecriture que parce qu’il croit. Elle témoigne du Christ et de sa résurrection, mais ceux qui refusent de croire ne la comprendront pas. De même, le tombeau, les linges et le suaire témoignent de la résurrection du Christ. Mais ceux qui refusent de croire inventeront n’importe quoi pour tenter en vain de se justifier.
Sans aller jusque là, considérez Pierre. Il voit les mêmes choses que Jean, il connaît aussi les Ecritures. Mais Jean croit le premier, avant même de voir le Christ ressuscité. Comme lui, certains, en raison d’un plus grand amour du bien et de la vérité, ont le coeur plus incliné à croire. Ils ont moins besoin de signes, et ils savent mieux voir ceux qui se présentent. Car il ne suffit pas de pouvoir croire, il faut aussi vouloir croire. La foi va plus loin que la vue. Il faut sauter le pas.
Jean « vit » donc le suaire, « et il crut » à la résurrection du Christ. Mais qui a-t-il cru ?
Jean n’a pas inventé une solution ni formulé une hypothèse. Cette idée ne vient pas de lui, et pourtant il en est certain. Croire, c’est accueillir un témoignage sur ce que l’on n’a pas vu, c’est reconnaître comme vrai ce qu’un autre a vu et nous dit. Jean connaissait les Ecritures, mais il ne les avaient pas encore comprises. En revanche, avant la Passion, il a entendu le Christ annoncer sa mort et sa résurrection (Jn 2, 22). Ce que Jean croit, c’est la parole que le Christ avait dite. Bien plus, il croit le Christ lui-même. Grâce à ce miracle prophétisé qu’est la résurrection, Jean reconnaît que Dieu le Père a rendu témoignage à son Fils. Le Père a parlé en son Fils. Et il parle encore, car « elle est vivante la Parole de Dieu » (He 4, 12).
Dès lors, Jean ne croit pas seulement une vérité parmi d’autres. La foi, en effet, ne se divise pas : on ne peut croire à moitié, ni piocher ce qui nous plaît. D’un coup, d’un seul, Jean embrasse la Vérité toute entière, la Vérité en personne. Il croit tout ce qu’elle dit, il croit tout parce que c’est elle qui le dit. Il croit Dieu sur parole, car Dieu ne peut ni se tromper ni nous tromper.
Bernanos appellerait cela croire sans barguigner. C’est croire sans « si », sans « mais », sans « peut-être » ; c’est croire sans hésitation et sans condition. C’est être saisi par la vérité, vaincu par elle.
Mais être vaincu par Dieu, c’est être vainqueur avec lui. Jean croit et il s’en rend compte. Il voit qu’il croit. Il découvre en lui l’effet de la résurrection du Christ. Ainsi, Jésus vit dans son corps ressuscité. Mais le Christ habite aussi dans le coeur de Jean par la foi. Le Christ est ressuscité des morts et Jean est ressuscité par la foi. Le monde est changé par la résurrection du Christ, et Jean vient d’entrer de plain-pied dans ce monde nouveau. C’est une vie nouvelle, une vie éternelle qu’il vient de commencer, car la vie éternelle, c’est de le connaître lui, le seul vrai Dieu et celui qu’il a envoyé Jésus-Christ (Jn 17, 3).
Que Dieu l’accorde à tous et que nul ne résiste : « Seigneur, augmente en nous la foi ! » (Lc 17, 5)
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