Jean le Baptiste est dans sa prison. Il sait qu’il ne va pas tarder à mourir. Il connaît bien le roi Hérode. Au fond, ce n’est pas un mauvais bougre, mais il ne peut accepter qu’on lui dise la vérité. Et Jean Baptiste lui dit toujours la vérité. Il ne peut pas vivre avec la femme de son frère. Hérode aurait aimé vivre droitement et lui aussi attendre le Royaume de Dieu. Mais il préfère trop les fausses joies que lui propose le monde. Depuis sa prison, Jean sait donc bien que le monde qui l’a enfermé voudra sa mort tôt ou tard. Et, nous le savons, c’est ce qui adviendra. Pour une simple danse, Hérode fera décapiter le plus grand des prophètes.
Jean se demande donc quand est-ce que le sauveur qu’il annonce fera son apparition. Son espérance n’est pas d’en réchapper, mais de donner sa vie jusqu’au bout s’il le faut pour qu’advienne le salut, pour que vienne le sauveur. Il y a ce Jésus qu’il connaît bien. C’est son cousin. Sa mère lui a raconté la visite de sa tante Marie lorsqu’elle était enceinte. Il sait que la venue de Jésus, encore tout petit dans le ventre de sa mère l’a réjoui d’une immense joie. Il connaît bien Jésus puisque c’est lui-même qui l’a baptisé dans le Jourdain. Et il a entendu la voix qui venait du ciel : « Celui-ci est mon fils bien aimé en qui j’ai mis tout mon amour. Écoutez-le. »
Et puis, depuis quelques temps, Jean a entendu que Jésus s’est mis à prêcher. Pendant que lui diminue dans sa prison, Jésus grandi en parcourant la Judée et la Galilée.
Mais, ce Jésus, est-il celui qui doit venir, ou doit-il en attendre un autre ? Curieuse question de Jean Baptiste tout de même ! Ne le sait-il pas ? Bien sûr qu’il le sait. Mais, enfermé dans le noir de sa prison, il n’est plus certain de rien. Il a besoin de s’assurer que le sauveur est bien en route. Il a besoin de la lumière du Christ pour venir éclairer les ténèbres de son cœur. Lui, le grand Jean Baptiste. Lui le précurseur de la venue du Seigneur doit à son tour passer par la purification des ténèbres et attendre dans la foi et l’espérance son sauveur.
Le texte de l’Évangile ne rapporte pas ce qui s’est passé lorsque les disciples de Jean lui ont fait part de la réponse du maître. « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. » (Mt 11)
Cette réponse de Jésus est pour Jean comme un message codé. Et Jean, j’en suis certain, a tout de suite décrypté le message. Ce message, il est simple : Jean, regarde, les Écritures s’accomplissent. Ce que tu as prêché dans le désert s’accomplit aux yeux de tous. Comment ne peux-tu pas voir que Jésus est le messie. Tu le sais au plus profond de ton cœur, mais il te faut un signe clair et concret pour accepter cette lumière. Et bien, voilà ce signe. Mais, « heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Jean a dû pleurer à cette annonce des disciples. Il a pleuré de joie en reconnaissant son sauveur. Il a pleuré de peine de n’avoir pas tout de suite reconnu le sauveur. Ses yeux se sont ouverts de la même manière qu’ils se sont ouverts plus tard pour Paul de Tarse sur le chemin de Damas, lorsqu’il a compris qu’il était en train de persécuter le Sauveur du monde. La lumière est alors entrée dans la cellule de Jean le Baptiste et en a illuminé toute la forteresse d’Hérode.
Jean est maintenant prêt. Il a accueilli le Sauveur. Jean est prêt, il est dans l’espérance. Les murs de sa cellule sont toujours aussi petits, et la lumière est toujours aussi faible. Mais son cœur est prêt. « Mon cœur est prêt, mon Dieu, mon cœur est prêt ! Je veux chanter, jouer des hymnes ! » (Ps 56) répète-t-il avec le psalmiste.
L’expérience de Jean Baptiste dans sa prison est celle du chrétien. Et c’est ce que nous sommes appelés à vivre tout spécialement dans le temps de l’avent. Le Seigneur vient. Le Seigneur est proche. Tout nous indique sa présence et sa venue. Mais sommes-nous capables de voir les signes de sa venue ? Sommes-nous capables, dans l’obscurité de notre péché, dans l’obscurité de nos faiblesses et de nos misères, dans l’obscurité profonde dans laquelle nous plonge notre monde sans Dieu… Sommes nous capables de voir les signes de la venue du Sauveur ?
C’est que l’étoile du berger qui nous mène à la crèche est brillante, mais bien souvent nous ne la voyons pas. C’est que les prophéties sont claires, mais nous ne faisons pas toujours le rapprochement avec notre propre vie. C’est que la présence du Christ en nous est évidente et certaine, mais bien souvent nous laissons nos ténèbres étouffer cette petite lumière qui luit. Nous laissons tout un tas de réalité étouffer l’espérance qui est en nous et qui nous fait vivre.
Et pourtant, nous le savons, le Seigneur vient, il est proche. Comme le dit saint Jacques : « Prenez patience vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche. » (Jc 5) Ne laissez pas la ténèbre du monde engloutir vos cœurs mais chassez-la en accueillant la lumière du Christ Sauveur.
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